31.10.11

Amertume

En une semaine, la presse métropolitaine et les médias ont relaté 50 fois plus l'incendie qui ravage le parc national de La Réunion qu'en un mois les événements de Mayotte.
Lire ici et regarder les "belles" photos .
Ce qui fait réfléchir sur le rôle et la qualité de la presse française aujourd'hui.
Non, décidément, Mayotte n'est pas encore un département pour tout le monde...
Un commentaire, à vérifier, annonce que l'avion bombardier d'eau, le Dash 8, aurait été retenu par les autorités françaises qui l'ont fait reconfigurer en mode 'passagers' pour les VIP du futur G 20 de Cannes.
C'est vraiment l'année des outremers!
Re-amertume...

29.10.11

La Réunion brûle

Depuis mardi dernier, un incendie d'origine criminelle a déjà dévasté 1800 hectares de cette perle de l'Océan Indien.
Pour une fois, ce n'est pas une photo du volcan, le Piton de la Fournaise.

Effet trompeur: le feu n'est pas encore éteint.

Parti du Maïdo, que nous visitions en février dernier, et poussé par des vents de nord, il se dirige vers le sud-est après avoir touché la forêt des Tamarins et atteint maintenant les contreforts du cirque de Cilaos. Ils sont de plus en plus nombreux, des pompiers professionnels et des volontaires (500 ce soir), à lutter pour empêcher que le feu atteigne les forêts de Tévelave et des Makes. 170 supplémentaires arrivent dimanche de métropole.
Un Dash 8 doit intervenir depuis le début, mais mystère, on l'attend toujours. Huit hélicoptères dont trois bombardiers d'eau sont engagés depuis le début.
L'année dernière, il y avait déjà eu un incendie criminel.
Pour tous ceux qui connaissent et qui aiment cette île, et évidemment ceux qui y vivent, c'est une catastrophe.
Des photos de La Réunion dans l'onglet "Escapade" et des infos pour la suite sur www.linfo.re

28.10.11

Tortues de Mayotte

Mayotte à la télé en métropole!
Un reportage sur les tortues de Mayotte sera diffusé dimanche 30 octobre dans le magazine 'Sept à huit' entre 19 et 20 heures sur TF1. De belles images avec aussi  une sensibilisation au braconnage dont elles sont malheureusement victimes.
À voir, vous pourrez même peut-être faire un don à l'association "Oulanga Na Nyamba" qui fait beaucoup de travail en ce sens ici. Tant qu'on y est, pourquoi pas!
Il y en a moins en ce moment dans les eaux mahoraises (aucun rapport avec les événements) mais elles reviendront bientôt après s'être rafraîchies dans des mers plus australes.

27.10.11

La situation est grave, et presque désespérée

"Dégâts irréversibles"  "Paralysie totale"  "Mise en danger de la population" : les titres de la presse sont alarmants.
Le préfet, lui, se dit "très vigilant à ce que le conflit ne tourne pas au conflit interethnique". Carrément!
Hier, la situation s'est vite dégradée. Je m'en suis aperçu quand je suis arrivé à mon école à 6h45 et en sentant tout de suite que le nuage de fumée au-dessus de Tsoundzou 1 était un nuage de gaz lacrymogènes. De plus près, c'était la guérilla urbaine, une fois de plus, et mon directeur et moi-même nous sommes retrouvés entre les policiers et les manifestants (jeunes), donc sous les gaz et les pierres! Nous sommes vite partis vers une ruelle.
Évidemment, l'école a été fermée une fois de plus comme beaucoup d'autres. Comme aujourd'hui (pas d'élèves). De toutes façons, la plupart de mes collègues n'ont pas pu se déplacer car les barrages se comptaient par dizaines.
En effet, les négociations s'éternisant, les meneurs de la grève ont concocté un plan B qui consiste à asphyxier Mamoudzou, le chef-lieu, en bloquant la circulation dans toute l'île. Depuis 2 jours, Mamoudzou est déserte. Même Petite-Terre est coupée de Grande-Terre car il n'y a plus de barges (sauf pour les urgences heureusement).
Ailleurs dans l'île, les ambulances restent bloquées entre deux troncs d'arbres (hélitreuillage des urgences), des établissements scolaires sont fermés, laissant une jeunesse déjà désœuvrée un peu plus dans la rue, et qui érigent donc des barrages, des dockers ne peuvent se rendre au seul port de commerce à cause des dits barrages et ne peuvent décharger le porte-container qui devait repartir aujourd'hui comme il est venu, ce qui va provoquer une pénurie de denrées alimentaires, une économie bloquée, paralysée depuis 4 semaines avec à la clef des pertes d’emplois, un magasin de bricolage saccagé par une quarantaine de voyous, des dizaines de voitures brûlées...
Mais plus grave des automobilistes qui se font agresser, un hôtel caillassé dans la journée par plusieurs commandos d'une quinzaine de jeunes car cet hôtel héberge des gendarmes mobiles et qui se fait évacuer en cours de journée en bateau sous une pluie de pierres, des habitations ont été pillées à Tsoundzou après que les portes ont été fracturées et les habitants terrorisés, des cambriolages à la pelle.
Et un lourd climat social qui revient et pour longtemps semble-t-il.
Des rumeurs invraisemblables circulent, apeurant un peu plus les habitants (intervention de l'armée, menace de venger le Mahorais décédé mercredi dernier œil pour œil).
La grève continue jusqu'à mardi au moins car le médiateur rendra ce jour le rapport qu'il est en train d'établir. Et les magasins sont à nouveau fermés. Heureusement qu'on a pu se ravitailler un peu car même s'ils rouvrent, il n'y a plus rien dans les rayons.
Ce soir, on annonce l'arrivée de métropole d'un ancien préfet de Mayotte mercredi prochain...

26.10.11

L'été arrive

Depuis quelques jours il fait de plus en plus chaud mais toujours sec à Mayotte.
Pour ceux qui en possèdent, les climatiseurs se réveillent, pour les autres, il vaut mieux attendre la nuit pour retrouver des températures supportables...et les moustiques.
Le vent a changé de secteur: d'est ou sud-est, celui des alizés, il est progressivement passé au nord, mais beaucoup moins actif et reste pour l'instant sec.
Actuellement, le soleil passe à la verticale de notre caillou (double-sens) à midi et il vaut mieux s'en protéger.
La température de l'eau remonte doucement, elle passera de 26°C à au moins 30°C progressivement; comme l'air d'ailleurs dans la journée, avec des pointes à 32-33°C (31 aujourd'hui). La nuit, on est passé de 20-21°C au niveau du lagon à 24-25°C.
Les mangues seront bientôt mûres, en ce moment ce sont les fruits du tamarin dont se régalent les enfants.
Leurs majestés les baobabs retrouvent peu à peu leurs feuilles:



25.10.11

Les nerfs à vif

La grève est entrée dans la 5ème semaine.
Les conséquences vont être, on commence à beaucoup en parler maintenant, terribles pour l'île.
Les nerfs à vif pour ceux qui sont déjà frappés par le chômage technique (3 € de l'heure répartis pour moitié entre l'entrepreneur et l'état) quand ce n'est pas la menace tous les jours plus pesante du chômage tout court. Mais ils restent solidaires du mouvement quand même. Tout le monde a besoin de travailler, c'est pourquoi il y eu des réouvertures de commerces depuis quelques jours qui ne semblent pas devoir être remises en cause, en tous cas pour le moment. C'est ainsi que j'ai pu enfin faire des courses le weekend dernier, comme beaucoup ici, au prix d'une heure d'attente sous le chaud soleil de ce début d'été, puis la cohue pour entrer dans le magasin à 2 ou 300, puis la foule entre les rayons pour se disputer les articles qui étaient disponibles, c'est-à-dire pas tous évidemment, et encore 45 minutes d'attente aux caisses. Du sport.
Les nerfs à vif pour les manifestants qui n'en peuvent plus d'attendre. La grève reprend de plus belle ce lundi, et la colère aussi en s'apercevant que le médiateur de la République nommé samedi, et qui est le chef de service de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et répression des fraudes (DGCCRF), Stanislas Martin, n'est pas venu pour négocier mais pour faire un rapport sur la situation. L'intersyndicale a tenu 5 minutes et a claqué la porte!

Stanislas Martin
Il remplace le préfet dont les syndicats ne veulent plus, étant victime de son double-rôle de médiateur et de réprimeur de manifestants.
Les nerfs à vif pour les policiers qui se sont vus aujourd'hui caillassés par des jeunes qui avaient encore établi des barrages dans le nord de l'île sous prétexte de ne pas avoir de ramassage scolaire. Violents affrontements et un ado a eu la mâchoire fracassée par une flashball. À leur retour vers Mamoudzou, nouveau barrage, nouveau caillassage, et grenades lacrymogènes: les jeunes jouent avec les gendarmes. Pas sûr qu'ils gagnent!
Les nerfs à vifs pour tous car il n'y a plus de gaz, plus de pétrole lampant pour le remplacer, de riz car tous ont évidemment fait des stocks dès l'ouverture des magasins, parce qu'il n'y aura pas de paie pour octobre, parce qu'ils ont le sentiment qu'on ne les écoute pas (il y a eu des avancées mais peuvent-ils les entendre?), parce qu'ils savent que maintenant la situation peut échapper à tous, avec l'exaspération.
Je dis 'les Mahorais' mais il faut bien dire que nous les mzungus privilégiés savons bien que si ce mouvement n'avait pas eu lieu, rien n'aurait changé, jamais on aurait entendu parler (enfin!) de Mayotte en métropole, et le 101ème département serait resté le plus pauvre de France encore longtemps.
Et on ne peut s'empêcher de penser que ce combat n'est pas le seul dans le monde contre un système qui laisse des populations s'enfoncer dans la pauvreté victimes d'un système qui les ignore. 
Mayotte souffrant en plus de circonstances locales, avec un état qu'ils espéraient providence et qui se révèle facilement avare en ces temps de vache maigre, ce qui produit un énorme sentiment de tromperie et de frustration.
Mais il faudra bien éteindre le feu...  

22.10.11

Pause lémurienne

Visites régulières des makis à domicile, et avec des bananes c'est encore plus facile.


Maman et son petit




20.10.11

Nuit chaude et marche blanche

La nuit a été particulièrement violente: caillassage de la voiture du préfet à la sortie de son intervention à la télé, incendies de magasins après pillages, barrages un peu partout sur l'île, affrontements, voitures incendiées, rackets sur les barrages, etc, etc....
Ce matin, 5000 personnes ont participé à une marche blanche (qui se fait plutôt en rouge ici) en mémoire du manifestant décédé hier.


L'autopsie réalisée aujourd'hui affirme qu'il est mort victime de massages cardiaques mal opérés, pas de flashball ni des gaz: incrédulité des Mahorais et colère qui reprend.
Les écoles sont fermées.
Les magasins aussi.
Ce soir, les barrages ont repris, malgré les appels au calme (ou même comme je viens de l'entendre à cesser le combat!) venant de tous les protagonistes.
La grève continue mais les syndicalistes ne veulent plus du préfet!

Tsoundzou 1 vs Passamaïnty (suite 2)

ou : "Le collège-Bambou"
Les affrontements sont terminés entre les collégiens des 2 villages et pour cause: ceux de Tsoundzou ne sont pas rentrés!
Voilà où les querelles entre villages peuvent mener. Ne se sentant pas en sécurité à Passamaïnty, cela fait 3 semaines (2 avant les vacances) qu'ils sont 500 environ à être purement et simplement dé-scolarisés.
Pour répondre au commentaire de Laura, il existe entre tous les villages voisins de l'île des "histoires" anciennes, dont personne ne sait lesquelles exactement ni qui a commencé, mais elles peuvent se révéler violentes, voire haineuses au moindre incident. En milieu urbain, elles se mélangent aux bandes organisées, entre quartiers. En brousse, il faut un point de rencontre entre 2 villages pour qu'elles éclatent. Dans les deux cas, il y a bien sûr des meneurs qui "organisent" tout ça.
Le fait que les 2 villages soient regroupés dans le collège d'un seul n'y est sans doute pas étranger, les "Passamaïnty" étant chez eux.
Dans "histoires de bambous", je disais que les parents de Tsoundzou avaient décidé de construire leur collège.
Ils ont joint le geste à la parole et voilà le chantier:


Lundi, une rentrée symbolique a eu lieu pour dénombrer les collégiens potentiels mais surtout pour accentuer la pression sur les élus de Mamoudzou pour envisager rapidement une vraie solution, car il est évident que celle-ci n'est pas réalisable.
Hier, en réponse, il était d'ailleurs prévu que les collégiens soient transportés accompagnés par les gendarmes pour enfin effectuer leur rentrée. Mais les événements en ont décidé autrement.
Des collégiens de Tsoundzou m'ont confié qu'ils ne prendraient jamais le bus.

19.10.11

Ali El Anziz

Un homme de 39 ans ne s'est pas relevé ce matin. Il manifestait, comme tous les jours depuis 23 jours, une manifestation qui a une fois de plus tourné en affrontement: jets de pierre, riposte des gendarmes avec flashballs et lacrymos. Ça en deviendrait banal si ça n'était pas tragique.
De quoi est-il mort? Crise cardiaque dit le préfet, flashball en pleine poitrine, aggravé par les gaz disent les témoins. Peu importe.
Un autre manifestant atteint lui aussi a eu plus de chance.
Peu après, c'est l'enchaînement: colère, réapparition des barrages, fermeture forcée de certains magasins, pillages, échauffourées jusque tard dans la soirée: c'est l'état d'alerte maximum. Rentrez chez vous, il n'y a rien à voir! Pourtant, des scènes d'extrême violence se sont multipliées à Mamoudzou et sa zone industrielle de Kawéni.
Dès midi, les choses empiraient au point que l'Inspection a décidé que les écoles qui travaillent l'après-midi n'accueilleraient pas les élèves de peur d'embrasement général si le blessé décédait.
Ma journée étant libérée, j'ai décidé d'aller enfin faire quelques courses. Je suis arrivé au magasin de Passamaïnty:
4 camions de gendarmes, une centaine de clients en attente (il y en a autant de l'autre côté du barrage) alors je prends place dans une des 2 files d'attente.
Beaucoup d'agitation, la police filtre les passages, à l'ombre des parasols.
Au bout d'un quart d'heure, je n'ai pas bougé, sous un soleil de plomb.
Brusquement, des jeunes arrivent du stade tout proche en courant et en criant provoquant la fuite de tous ceux qui attendent. Première frayeur.
Les files se reforment alors que les gendarmes, jusque là en tshirt, ont vite enfilé leur protections Robocop et se sont armés de boucliers et armes. Un moment plus tard, deuxième mouvement de foule qui nous disperse à nouveau en courant. Deuxième frayeur.
Puis les files se reforment prudemment. Ne comprenant pas le shimaoré, je n'ai pas compris ce qui l'a déclenché.
Au bout d'une demi-heure supplémentaire sans avancer, je suis reparti le sac vide.
J'ai l'impression que c'est la guerre: tension, rationnement, pénurie de gaz, d'essence, armée omniprésente, peur de se retrouver dans un rassemblement, explosions, barrages sauvages, hélicoptères tournoyant au-dessus des têtes, sirènes de police, d'ambulance...
Ce soir, tout le monde parle du mort, de sa famille: le préfet, la ministre aujourd'hui à l'Assemblée Nationale, le président du Conseil Général, le député...
Et après le deuil, qu'est-ce qu'on fait ?

18.10.11

La faim justifie les moyens

Après de longues négociations, la situation a changé.
Hier soir, à minuit, un syndicat, FO, a signé seul un protocole d'accord avec les distributeurs. Pourquoi lui seul? Parce qu'il se dit que le responsable CFDT aurait profité de la grève pour négocier des aides pour financer sa future campagne électorale: il a annoncé hier qu'il se présentera aux élections législatives de l'année prochaine. Il a quitté la table des négociations lundi soir pour aller chez un distributeur alimentaire où il a retrouvé un responsable CGT. Officiellement pour négocier le prix de la viande, seul point de désaccord subsistant. Mais on sait qu'il n'en fut rien. Alors, que s'est-il dit? On ne sait pas mais le résultat fut immédiat: l'intersyndicale a volé en éclats.
Aujourd'hui, le préfet a ordonné l'ouverture des magasins, dont certains ont ouvert sous haute protection de la police! Il faut dire que 130 gendarmes sont arrivés hier en renfort.
Alors les Mahorais se sont rués vers les magasins avec course de chariots et longues files d'attente toute la journée pour repartir avec des sacs de riz et des cartons de mabawas, entre autres. Un camion de ravitaillement qui attendait la barge pour aller sur Petite-Terre a été pillé de tout son contenu: riz et viande. Moi, je travaillais toute la journée donc je n'ai pas pu y aller; j'espère que demain, ils rouvriront car je n'ai plus grand chose à manger. Mais il faudra encore une fois faire la queue pour trouver peut-être des rayons vides! En ce moment, on fait la queue pour tout, ici. Pénible!
Officiellement, la grève continue avec ceux qui restent.

14.10.11

"Nous avons été naïfs"

C'est une des remarques désabusées que l'on a pu entendre ce soir.
"Marie-Luce Penchard s’est exprimée devant les Mahorais vendredi en fin d’après-midi. Elle a proposé plusieurs solutions qui n’ont pas convaincu un public qui l’a copieusement sifflée, une fois le discours terminé.
Elle était attendue. Parfois de pied ferme. Sur la place du marché de Mamoudzou, un drap blanc avait été monté pour retransmettre en direct l’allocution de la ministre de l’Outre-mer, mais celui-ci n’a pas résisté à la colère des locaux qui l’ont arraché. Sur la place de la République, un millier de personnes environ s’était rassemblé pour écouter les mots de la ministre venue alors que depuis plusieurs semaines "un mouvement contre la vie chère", dixit le communiqué du ministère, secoue l’île. Dans son allocution, la ministre a tenu à rappeler aux Mahorais en préambule le soutien de l’Etat à travers sa présence. "Je serai toujours aux côtés de Mayotte et des Mahorais. Nous croyons à la volonté de changement des Mahorais, nous croyons au développement de Mayotte", a-t-elle assuré. Mais elle était évidemment attendue sur les réponses qu’elle allait apporter pour sortir de la crise.
Le shimaoré censuré
Après avoir rencontré les locaux dans l’après-midi et avoir "entendu les plaintes sur la vie chère", elle a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les marges et la régulation du prix du gaz comme dans les autres territoires d’Outre-mer et la baisse des prix des biens de première nécessité, "une première avancée". Les familles les plus modestes (-600 euros/mois de revenus et inscrites à la CAF) auront droit à une réduction supplémentaire de 5 euros/mois par produit parmi une liste de 10 jugés de première nécessité. Une mesure qui devrait toucher 14000 foyers. Ce système devrait perdurer jusqu’en mars prochain. Sa présence ici était bien la preuve que l’Etat "jouerait son rôle", et qu’elle "prendrait ses responsabilités". Conspuée à la fin de son discours, elle a dû se rendre compte qu’elle n’avait guère convaincu un public, déjà à vif. Ainsi, la traduction du discours en shimaoré, à la fin de celui-ci, a été coupée par les manifestants qui appelaient au retour des syndicalistes bloqués en Petite-Terre."  Source: Mayotte 1ère
De crainte de ne pas pouvoir repartir, elle est restée sur Petite-Terre. Un signe.
La foule était encore très nombreuse sur la place de la République (ainsi baptisée depuis la départementalisation) qui a été rebaptisée par les manifestants place Zakia Madi, du nom de l'une des plus ferventes "chatouilleuses", partisanes de Mayotte française, qui a été tuée par balle en 1969 au cours d'une manifestation; tout un symbole.
Les Mahorais avaient une certaine confiance en la ministre, ce qui est assez courant ici, même si certains se doutaient qu'elle n'apporterait pas LA solution. Déçus, en colère, certains se sont dirigés vers une grande surface de Mamoudzou pour la piller et l'incendier. Les forces de l'ordre ont empêché le pire. Alerté, le président du Conseil Général est intervenu à la télévision pour appeler tous les Mahorais à rentrer chez eux. Mais certains sont restés bloqués sur Petite-Terre, l'unique barge de service minimum ayant cessé ses aller-retours. 
Que se passera-t-il demain? Mayotte retient son souffle, sur fond de pénurie.

13.10.11

Flash

Très grosse manifestation aujourd'hui à Mamoudzou, on évoque 10 000 manifestants, d'autres 15 000, de quoi mettre une grosse pression sur les négociateurs.
La réunion a commencé à 16h30 mais a été interrompue car une grande nouvelle était annoncée: Mme la ministre de l'outremer, Marie-Luce Penchard, a pris l'avion ce soir et présidera la suite de la réunion demain!
NOUS SOMMES SAUVÉS!
Espérons que l'accord sera signé car la situation devient critique dans beaucoup de secteurs et tout d'abord l'alimentation. Plus de riz, de pâtes, de viande, de lait, de produits frais (yaourts, fromages), d'eau minérale, de conserves, de pain etc... Même le lait pour les nourrissons est épuisé!

Grand Raid 2011

Ce n'est pas à Mayotte mais à La Réunion.

La 19ème édition du Grand Raid (également connue sous le nom de Diagonale des Fous) est partie ce soir.
2454 coureurs se sont élancés du Cap Méchant pour une traversée sud-nord de La Réunion soit 162 km, avec 9600m de dénivelé positif! Voilà pourquoi on l'appelle aussi Diagonale des Fous. Le vainqueur devrait arriver demain soir et le dernier ... dimanche après-midi!
Mais tous n'arriveront pas: le doyen de la course, 80 ans, pense ne pas pouvoir aller plus loin que Cilaos, à peu près au milieu. C'est sa 10ème participation.

12.10.11

Veillée d'armes ou veille de fête?

Demain sera de toutes façons une journée décisive dans le conflit, les négociations devant reprendre avec des informations sur les prix pratiqués à la Réunion relevés par une délégation des associations de consommateurs mandatés pour.
Alors il faudra aux délégués et partenaires se prononcer sur ce qu'il est possible de faire tout de suite ici et non pour 1 mois, ni pour 3 mois mais définitivement et tenter ainsi de mettre un terme au mouvement. La tâche est énorme, à la mesure de l'attente.
Aujourd'hui, la mobilisation était très importante à Mamoudzou, et elle va crescendo de jour en jour, mettant davantage de pression sur la réunion de demain. Et les incidents sont heureusement en baisse.
Sans doute pour ne pas revoir d'accident


 Comme la banderole, des mots très forts circulaient sur un tract aujourd'hui, accusant l'état d'esclavagisme, de colonialisme et de racisme entre autres.
Depuis hier, les mzungus sont les bienvenus dans les manifestations et on peut même prendre des photos!

La philatélie mahoraise (2)

Une deuxième livrée de beaux timbres de Mayotte dont la spécificité disparaîtra avec 2011. Marianne devra conquérir la belle musulmane...
Avec l'aide de la Société Mahoraise de philatélie et de cartophilie, qui donne pour chaque timbre un commentaire éclairé.











9.10.11

8.10.11

Et voilà !


Une fillette de 9 ans et un adolescent ont été blessés hier en marge du mouvement de protestation contre la vie chère.  
La fillette a été touchée par un projectile de flash-ball tiré par un gendarme. Elle a été blessée au visage. Conduite à l'hôpital pour des soins, l'enfant devrait être transférée au Centre Hospitalier de La Réunion. L'incident est survenu quand trois gendarmes se sont retrouvés encerclés par des jeunes manifestants. Ils ont d'abord fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser les protestataires. Devant la situation qui devenait de plus en plus menaçante pour les forces de l'ordre, un gendarme a utilisé un flash-ball.
Le second incident s'est déroulé à Pamandzi, à Petite Terre, un adolescent a été renversé par un chauffeur de taxi alors qu'il se trouvait sur un barrage routier. L'adolescent était toujours en observation à l'hôpital ce samedi matin.
Pendant ce temps, les négociations qui se sont poursuivies ce samedi entre les représentants syndicaux et les autorités locales n'ont toujours pas abouti ce soir. Des centaines de personnes (350 selon la télé) sont restées mobilisées devant la Direction du travail, à Mamoudzou, en attendant une avancée dans ce conflit social.
Pour prendre l'avion, certaines personnes ont dû voyager en barque de pêche, les mêmes que les kwassa-kwassa. Pour apprendre sur place que leur vol était annulé à cause du mouvement.
Toute l'économie est paralysée, on va vers le chaos. Et la tension est vive...

Pour comprendre un peu le sujet des discussions, voilà ce qui a été proposé à la base et qu'elle a refusé: notez l'élément de comparaison, La Réunion. Ce sont les produits de première nécessité, mais l'accord ne porte que sur 1 mois. 

Les propositions faites à l'intersyndicale lors de la réunion du 5 octobre

Toutes ces propositions de baisses de prix sont proposées pour une durée de 1 mois dès le lendemain de la signature du protocole.

En fait, il commence à se dire ici que ce n'est pas le fond du problème. On parle de créer des entreprises, qui créeraient des emplois. Ce qui serait produit à Mayotte serait de toutes façons moins cher, Mayotte important pratiquement tout aujourd'hui. Quitte à aider financièrement à l'installation des producteurs de fruits et légumes et des entrepreneurs.
Mais ce discours-là, pour l'instant, la base n'est pas assez sereine pour l'entendre.

7.10.11

Mayotte paralysée

La base sera maintenant difficile à contenter: elle n'a pas validé les avancées obtenues après 22 heures de discussion et ce soir, à moins d'un miracle demain, on sait que le weekend sera sous le signe de la pénurie.
À lire un article du journal Le Monde en cliquant ici.

Nous, on grève !


Enfin un regard extérieur sur le mouvement en cours, pêché dans le Monde Diplomatique :

La révolution des «mabawas» à Mayotte

par Philippe Leymariejeudi 6 octobre 2011


« Mabawas » : c’est ainsi qu’on appelle, à Mayotte, les ailes de poulet. Elles font partie des produits de première nécessité (avec la farine, le riz, le sucre, le lait, les tomates, le gaz et le sable…). Et elles sont devenues le symbole du vigoureux mouvement social contre la vie chère déclenché il y a une dizaine de jours, dans cette île de l’archipel des Comores, au sud-ouest de l’océan Indien, devenue le 31 mars dernier le cent unième département français d’outre-mer.


Grève quasi générale depuis le 27 septembre, avec, presque tous les jours, des manifestations, des barrages, et parfois même le blocage de l’accès à l’aéroport, sous le slogan « Mabawas nachouké ! » (ailes de poulet moins chères !). Pas de victimes jusqu’ici, mais des jets de pierre, quelques voitures incendiées, des gaz lacrymogènes et des interpellations. La gendarmerie mobile – composée en grande majorité de fonctionnaires européens, bardés de leurs protections noires en écailles, très Robocop, comme dans l’Hexagone – a même sorti quelques blindés, pour faire sauter les obstacles. Trois pelotons sont arrivés en renfort de La Réunion.


« Débordements inacceptables », lance la ministre de l’outre-mer, Mme Marie-Luce Penchard, qui invoque « la sécurité des personnes »,ajoutant, sur un ton alarmiste : « Personne ne peut souhaiter une issue dramatique à ce conflit ». Tandis que François Hollande, un des candidats socialistes à l’investiture pour l’élection présidentielle, appelle le gouvernement – qui devrait être « instruit par l’expérience de la grave crise antillaise de 2009 » (1) – à ne « pas laisser pourrir la situation ». Le LKP guadeloupéen a de son côté apporté son « soutien à la mobilisation des travailleurs et du peuple de Mayotte ».


Mais l’Etat ne se sent pas directement concerné par ce conflit social, rappelant simplement les grands chantiers engagés depuis la « départementalisation » : santé, formation, accès à Internet et, à partir de janvier prochain, l’application du Revenu de solidarité active (RSA) – traditionnel instrument « d’arrosage » outre-mer, qui devrait calmer certaines ardeurs (mais aussi enfoncer un peu plus l’île dans l’assistance, comme c’est déjà le cas aux Antilles et à la Réunion).


L’intersyndicale (CGT-Ma, Cisma-CFDT, Solidarité mahorais et le Collectif des citoyens perdus) alliée à des associations de consommateurs (Ascoma, Afoc) se plaint d’un manque de concurrence, qui tire les tarifs vers le haut, et demande au patronat des grandes surfaces ainsi qu’aux services de l’Etat et du département un engagement écrit sur une baisse des prix des produits de base, et notamment des cartons de découpe de volailles vendus presque deux fois plus cher que dans l’Hexagone, des bouteilles de gaz trois fois plus coûteuses, etc.


L’aile dure du mouvement cherche à bloquer les ronds-points de circulation et à fermer d’autorité les magasins qui ne se joignent pas spontanément à la grève. De plus en plus de ménagères participent aux manifestations, qui rassemblent régulièrement plusieurs milliers de personnes.


Le président du conseil général, contraint par les syndicalistes à sortir de sa réserve, se désole des pertes de recettes consécutives aux baisses de droits de douane intervenues depuis 2010 sur les produits de première nécessité – soit autant d’argent qui ne pourra être réinjecté – et attribue « le mal-être plus profond » à la délinquance actuelle,« avec son lot de vols, viols, d’émergence de jeunes bandes (2) ».


Les Mahorais – qui seraient 200 000 dans une île qui a grandi trop vite, à l’abri de la France, et de plus en plus coupée de son environnement naturel (Comores, Madagascar), avec un taux record de reconduites de sans-papiers à la frontière – découvrent que le statut départemental (qu’ils n’avaient cessé de réclamer) n’amène pas automatiquement l’égalité, la solidarité, ni une manne de crédits. Et qu’il continuera d’attirer les Comoriens d’Anjouan ou d’autres îles, pour qui Mayotte – même en butte à la cherté de la vie – reste un îlot de prospérité au milieu d’un océan de misère.
(1) La Guadeloupe avait connu en 2009 quarante-quatre jours d’une grève menée par près de cinquante organisations syndicales ou associations fortement politisées, avec blocage complet de l’économie.
(2Cf. Malango actualités , la meilleure source d’information du moment à propos de Mayotte.


Après 16 heures de négociations, un appel au calme a été lancé (enfin) par les responsables syndicaux. La circulation a repris ce matin mais pas question de s'éloigner trop loin de peur de ne pas pouvoir revenir et peut-être pire (on a parlé de racket aux barrages et hier, un jeune en scooter s'est fait poignarder et dépouiller pour avoir voulu forcer un de ces barrages).
Les Mahorais attendent, l'issue des négociations sans doute, les jeunes doivent se préparer, le distributeur de La Poste a été alimenté ce matin mais pour acheter quoi? Tout est fermé, même ma boulangerie, et peu de personnes ont répondu à mes 'bonjour' ce matin. Ambiance.

6.10.11

Le retour des émeutes

L'évolution était prévisible: les négociations ne donnant pas de résultat assez rapide et satisfaisant, les esprits s'échauffent et surtout les jeunes se sont réveillés.
Mayotte a connu la pire journée depuis le début de la grève. Mamoudzou, les alentours ont connu de graves incidents provoqués il est vrai par les jeunes, incontrôlés et incontrôlables semble-t-il.
J'habite à Passamaïnty, au sud de Mamoudzou, et ce matin, la route littorale qui la traverse a été barrée par des pneus et poubelles enflammés. Assez vite, la police est arrivée pour rouvrir la circulation et elle a été prise en embuscade bien préparée par les jeunes.
Postés en haut des buttes de terre, ils caillassent copieusement les forces de l'ordre. C'est partout la même tactique de guérilla urbaine.
Alerté par la radio, par une odeur de brûlé, je sors prudemment pour aller chercher du pain.
 Ma boulangerie, au milieu, a dû fermer, on comprend pourquoi!
Passamaïnty a été survolée toute la matinée par un hélicoptère de la gendarmerie qui surveillait les mouvements des manifestants.

Ce qui a permis aux forces de l'ordre de repousser les jeunes à coups de gaz lacrymogènes qui m'ont obligé à rentrer un moment chez moi: efficaces ces gaz!
Une fois repartis sur un autre événement, les jeunes se sont vengés: cette voiture en a fait les frais, ainsi que nos poubelles! Comme des dizaines sur l'île aujourd'hui.
Ce soir, impossible de circuler, tout est resté fermé, une bonne averse a éteint les derniers feux sur l'île.
Jusqu'à demain matin?
Donc la situation est difficile à vivre, les gens n'ont plus rien et font des réserves de bananes, on n'ose plus sortir, il y a des barrages un peu partout: un état de siège, comme disent certains.
Les négociations se poursuivent encore en ce moment même, mais en cas d'accord, tout le monde sait que la situation devient incontrôlable, surtout avec les jeunes. Des renforts de police arrivent de métropole. Est-ce la solution?