19.10.11

Ali El Anziz

Un homme de 39 ans ne s'est pas relevé ce matin. Il manifestait, comme tous les jours depuis 23 jours, une manifestation qui a une fois de plus tourné en affrontement: jets de pierre, riposte des gendarmes avec flashballs et lacrymos. Ça en deviendrait banal si ça n'était pas tragique.
De quoi est-il mort? Crise cardiaque dit le préfet, flashball en pleine poitrine, aggravé par les gaz disent les témoins. Peu importe.
Un autre manifestant atteint lui aussi a eu plus de chance.
Peu après, c'est l'enchaînement: colère, réapparition des barrages, fermeture forcée de certains magasins, pillages, échauffourées jusque tard dans la soirée: c'est l'état d'alerte maximum. Rentrez chez vous, il n'y a rien à voir! Pourtant, des scènes d'extrême violence se sont multipliées à Mamoudzou et sa zone industrielle de Kawéni.
Dès midi, les choses empiraient au point que l'Inspection a décidé que les écoles qui travaillent l'après-midi n'accueilleraient pas les élèves de peur d'embrasement général si le blessé décédait.
Ma journée étant libérée, j'ai décidé d'aller enfin faire quelques courses. Je suis arrivé au magasin de Passamaïnty:
4 camions de gendarmes, une centaine de clients en attente (il y en a autant de l'autre côté du barrage) alors je prends place dans une des 2 files d'attente.
Beaucoup d'agitation, la police filtre les passages, à l'ombre des parasols.
Au bout d'un quart d'heure, je n'ai pas bougé, sous un soleil de plomb.
Brusquement, des jeunes arrivent du stade tout proche en courant et en criant provoquant la fuite de tous ceux qui attendent. Première frayeur.
Les files se reforment alors que les gendarmes, jusque là en tshirt, ont vite enfilé leur protections Robocop et se sont armés de boucliers et armes. Un moment plus tard, deuxième mouvement de foule qui nous disperse à nouveau en courant. Deuxième frayeur.
Puis les files se reforment prudemment. Ne comprenant pas le shimaoré, je n'ai pas compris ce qui l'a déclenché.
Au bout d'une demi-heure supplémentaire sans avancer, je suis reparti le sac vide.
J'ai l'impression que c'est la guerre: tension, rationnement, pénurie de gaz, d'essence, armée omniprésente, peur de se retrouver dans un rassemblement, explosions, barrages sauvages, hélicoptères tournoyant au-dessus des têtes, sirènes de police, d'ambulance...
Ce soir, tout le monde parle du mort, de sa famille: le préfet, la ministre aujourd'hui à l'Assemblée Nationale, le président du Conseil Général, le député...
Et après le deuil, qu'est-ce qu'on fait ?

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